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exemple de plaque pour le projet "posledniy adress"

exemple de plaque pour le projet "posledniy adress"

Le projet "posledniy adress" (последний адрес, la dernière adresse)) que développent Sergei Parhomenko et "l'association Mémorial", a reçu le soutien unanime de la critique: Evguénia Albatz a considéré que c'était le projet le plus important de l'année : il s'agit d'apposer une plaque sur les maisons d'où sont partis, pour ne plus revenir, les prisonniers du goulag, selon le principe : un nom, une vie, un signe .

 

Ce projet s'inspire du projet "Pierres d'achoppement (Solperesteine )" ou "pavé de mémoire" qui s'est développé en Europe occidentale sous l'impulsion de Gunther Demnig pour ne pas oublier les victimes de la répression nazie. En vingt ans, près de 45000 pierres ont été posées dans 11 pays européens et près de 650 villes

Il s'agit de ne pas oublier d'où l'on vient. Comme l'écrivait P. Florensky, rien n'est pire qu'un présent qui ne soit pas éclairé par le passé. Le dessin de la plaque est dû au célèbre graphiste russe Alexandre Brodsky. Chaque plaque est financée et prise en charge par une personne précise qui se charge aussi de l'organisation de sa mise en place

 

 

Voici ce qu'en écrit Isabelle Mandraud la journalistee et correspondante  du "Monde" à Moscou.

Dernière adresse connue... au temps de la terreur stalinienne

Le Monde.fr | 16.02.2015 à 14h33 • Mis à jour le 16.02.2015 à 18h46 |Par Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante)

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Lettre de Moscou. Dix-huit petites plaques en acier galvanisé, pas plus grandes qu’une main, ont déjà été apposées sur des façades d’immeuble à Moscou. Elle seront bientôt une quarantaine de plus. Le 22 février, la deuxième opération « un nom, une vie, un symbole » va être lancée pour commémorer la mémoire des victimes de la terreur stalinienne. Chaque plaque porte un nom et un prénom sortis de l’anonymat, avec trois dates : arrestation, décès, réhabilitation. Sur la carte de Moscou mise au point par un collectif d’historiens, de journalistes, d’architectes et de défenseurs des droits de l’homme, à l’origine du projet, des milliers de points rouges désignent les dernières adresses de ces inconnus broyés par l’un des pires régimes qu’ait connus la planète dans les années 1930 à 1950.

Incrédule, on regarde la liste des noms de rue recensés sur la base des archives de Mémorial, la célèbre ONG russe qui a tant fait pour dénoncer les crimes du régime stalinien et lutter contre leur oubli : il y en a des centaines et des centaines. On prend au hasard l’adresse du bureau duMonde, à Moscou. Quatre personnes habitaient dans cet immeuble rose et blanc, avant d’être fusillées : Lev Krimski, un juif biélorusse, rédacteur en chef d’un journal ; Iegouda Rosenbaum, employé d’une usine de chimie ; Boris Iefimov, secrétaire du Komsomol, l’organisation des jeunes communistes de l’usine n° 22, et Dmitri Tverdienko, un Ukrainien. Tous les quatre ont quitté cette dernière adresse en 1938, pour ne plus jamais revenir. Ils n’ont pas encore leur plaque.

Carré vide

Avant de négocier avec le ou les propriétaires des façades des bâtiments l’accrochage de ce morceau d’acier de 11 cm sur 19 cm, sur lequel figure un petit carré vide comme une photo manquante sur une pièce d’identité, le collectif est strict sur ce point : il faut qu’un citoyen en fasse la demande. Ensuite, tout est pris en charge grâce à un appel aux dons, qui a dépassé les espérances. Près d’1,5 million de roubles ont été collectés. Une plaque coûte 4 000 roubles (environ 54 euros). Comme ne cesse de le répéter Sergueï Parkhomenko, journaliste bien connu et membre fondateur de l’initiative :« On ne demande rien au pouvoir, on veut juste qu’il ne nous empêche pas. » « Aujourd’hui, relève-t-il avec satisfaction, nous avons 600 demandes. »

Le projet s’est inspiré de l’initiative de l’artiste berlinois Gunter Demnig qui a essaimé depuis 1993, en Allemagne et en Europe, ses Stolpersteine – littéralement « pierres d’achoppement » –, des petits dés de béton ou de métal recouverts d’une plaque en laiton et encastrés dans le trottoir pour, devant leur dernier domicile, conserver le souvenir des personnes déportées et mortes en camp d’extermination. Le principe, en Russie, a été repris pour « garder en mémoire les gens simples », victimes de la répression stalinienne, « et pas seulement les fonctionnaires, grands militaires ou écrivains ». Les plaques, sobres et dépouillées, créées par l’architecte Alexandre Brodsky, utilisent la norme d’écriture Gost, en vigueur pendant la période soviétique.

« Image plutôt positive » de Staline

Deux d’entre elles ont fait leur apparition au n° 16 de la rue Machkova, au centre de Moscou. Sur la façade de cet immeuble typique de cinq étages avec son soubassement sombre, transformé en ensemble d’appartements communautaires après la révolution, résidaient Ekaterina Mikhaïlovna Jelvatikh et Nikolaï Ivanovicth Tchinov. Agée de 33 ans, la première travaillait comme dactylo pour le Gosplan, l’organisme d’Etat chargé de planifier l’économie. Arrêtée en janvier 1938, condamnée à mort le 8 mars pour « agitation antibolchevique », elle a été exécutée moins d’un mois plus tard, avant d’être réhabilitée en 1957. Le second, 46 ans, était ingénieur, professeur à l’académie militaire. Arrêté en février 1937, il avait été exécuté cinq mois plus tard pour « participation à une organisation contre-révolutionnaire terroriste ». Réhabilité, lui aussi, en 1957.

Il existe un autre endroit, plus terrible encore à Moscou, la Maison du quai. Situé face au Kremlin, le bâtiment massif avec ses 505 appartements, et ses 24 entrées, était réservé à l’élite soviétique. Selon Mémorial, 242 de ses occupants furent exécutés.

L’opération mémorielle ainsi lancée s’étend à d’autres villes comme Saint-Pétersbourg, Iaroslav, ou Kostroma. Le 5 février, Sergueï Parkhomenko s’est rendu à Perm, au pied de l’Oural, où, non loin, à une centaine de kilomètres, fut érigé le plus célèbre goulag des prisonniers politiques. Trois pays pourraient également s’associer, l’Arménie, la Biélorussie, et… l’Ukraine. Mais, en Russie, où le pouvoir ne cesse d’entretenir la nostalgie d’une grande puissance capable d’imposer par la force ses vues, le travail de mémoire reste encore et toujours une bataille. Un sondage réalisé fin 2014 par l’institut indépendant Levada révélait que 52 % des Russes conservaient une « image positive ou plutôt positive » de Staline. Et Mémorial fait aujourd’hui partie des associations classées officiellement par les autorités « agent de l’étranger ».

· Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante)
Correspondante à Moscou


Voir le reportage de Arte

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